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Les besoins nutritionnels des personnes fragilisées face à la transition alimentaire

Temps de lecture : 6 min

Les systèmes alimentaires font partie des enjeux primordiaux du développement durable. Un changement dans les habitudes alimentaires est donc en marche. Et les personnes âgées sont aussi concernées ! Comment adapter ces évolutions aux besoins nutritionnels des seniors ?

Assurer la transition alimentaire

Une prise de conscience générale de l’impact de nos modes de consommation a bouleversé notre société. De nombreuses études ont été menées dans le secteur de l’agriculture et de l’alimentation pour évaluer leur impact environnemental. Certains chiffres sont probants. Par exemple, la consommation de viande représente 50 % de notre empreinte alimentaire ! A titre de comparaison, la production de 100 g de protéines de bœuf émet 25 kgCO2eq tandis que l’impact des protéines de pois s’élève à 0,36 kgCO2eq [1].

Pour initier le changement des comportements alimentaires, plusieurs critères de production sont valorisés comme les modes de production plus respectueux de la planète, le local, les produits de saison. En France, la loi Egalim a été mise en place pour cela. Au sein de la restauration collective, elle exige donc l’utilisation d’au moins 50 % de produits de qualité et durables mais aussi l’interdiction du plastique. L’expérimentation d’un menu végétarien hebdomadaire en restauration collective scolaire en fait partie.

Quand les sources de protéines alimentaires évoluent, la restauration collective s’adapte !

Environnement, bien-être animal, qualité, sécurité, santé… autant de facteurs impactant la consommation de viande. En 27 ans, celle-ci a baissé de 30 % en France, portée par cette prise de conscience générale [2]. Si la viande garde une image très positive dans la pensée des seniors, une diminution de 15 % de sa consommation est observée avec l’âge [3]. Des protéines végétales en alternative peuvent-elles être proposées ?

Plats végétariens et vegan s’invitent petit à petit dans les assiettes. Au menu : légumineuses, graines et oléagineux, proposés sous forme brute ou transformée. Ces sources de protéines végétales sont ainsi utilisées en tant que substituts de viandes, d’œufs, de poissons ou de produits laitiers. Galettes de légumes et céréales, smoothies aux amandes, houmous de pois chiches, purée de lentilles… les recettes ne manquent pas pour varier les apports protéiques façon veggie ! 

Et du point de vue nutritionnel, ces alternatives répondent-elles aux besoins des seniors ?

D’après les recommandations officielles du PNNS 4 et celle de l’Organisme Mondiale de la Santé (OMS), il est conseillé de limiter sa consommation de viande à 500 g par semaine (hors volaille) et d’augmenter la consommation de légumineuses à au moins 2 fois par semaine. Mais ces dernières sont-elles adaptées aux besoins nutritionnels des seniors ? Une personne âgée doit augmenter ses apports protéiques de 20 % par rapport à une personne de moins de 50 ans, du fait de la résistance anabolique. Les sources de protéines végétales s’avèrent être une bonne alternative car elles possèdent une digestibilité proche des protéines animales [4]. Fibres et vitamines sont aussi présentes et apportent ces éléments sous-consommés. 

Au cours d’une même journée ou d’un même repas, l’association céréales et légumineuses est primordial pour apporter tous les acides aminés essentiels. Cependant ces deux aliments contiennent un niveau élevé d’acide phytique, un puissant inhibiteur de l’absorption d’oligo-éléments et de minéraux. Le fer et le zinc en subissent les conséquences [5]. Tremper les céréales ou les légumineuses dans une eau purifiée, pendant 4 à 12 heures, permet alors d’activer la germination et de neutraliser une partie de cet acide phytique. Pensez-y !

Les alternatives aux protéines animales au menu des EHPADs ?

Proposer des alternatives végétales aux seniors est tout à fait envisageable. Quelques barrières doivent encore être levées pour intégrer certaines sources plus coûteuses comme les microalgues, mais les matières premières ne manquent pas du côté des légumineuses et céréales. Reste à savoir comment les cuisiner pour obtenir des plats tout aussi appétents et savoureux qu’avec les protéines animales. Des programmes de recherches innovants comme celui de l’Institut Nutrition sont en train d’être développés. Ils ont pour objectif de comprendre comment recréer les conditions du plaisir alimentaire lors de la consommation de ces aliments riches en protéines et respectueux de l’environnement. 

Une question reste tout de même de mise : est-ce juste de contraindre les plus fragilisés à porter les enjeux de la transition alimentaire, parfois à l’encontre de leurs habitudes alimentaires et culturelles et du plaisir de consommer de la viande ? Quelque chose nous dit que tout est une question de mesure, et qu’on peut continuer à faire plaisir avec un bon morceau de viande de temps en temps, mais aussi innover avec des recettes végétales gourmandes et créatives !


[1] Joseph Poore and Thomas Nemecek, 2018, Reducing food’s environmental impacts through producers and consumers.

[2] Agreste, 2017, Bilan d’approvisionnement en Viandes, Œuf, Lait et produits laitiers

[3] C. Sulmont-Rosé et al., 2018, Effet de l’âge sur les consommations alimentaires et les raisons de non-consommation : résultats d’une enquête menée auprès de 32 000 adultes âgés de 20 à 80 ans

[4] INRA, 2019, Dossier Presse –Les racines d’une alimentation durable : quand les protéines végétales s’invitent à table

[5] Richard F.Hurrell, 2003, The Journal of Nutrition – Influence of Vegetable Protein Sources on Trace Element and Mineral Bioavailability

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